Résumé :
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Les violations des droits de l'homme et l'absence d'opposition politique dans les dictatures font régulièrement l'objet de critiques. Ce que l'on connaît moins, c'est le fonctionnement intime de ces régimes, les mécanismes par lesquels des populations entières se trouvent durablement assujetties. C'est ce travail de dévoilement qu'a entrepris Béatrice Hibou. A la croisée de deux traditions intellectuelles, l'économie politique wébérienne et l'analyse foucaldienne, elle analyse, à partir du cas de la Tunisie, les modes de gouvernement et les dispositifs de l'exercice concret du pouvoir. Elle montre comment ces dispositifs façonnent les modalités de l'obéissance, voire de l'adhésion. L'auteur fait émerger les rationalités des mécanismes d'assujettissement à partir de l'analyse de l'économie tunisienne. Elle explique ainsi comment l'économie d'endettement, la fiscalité, la gestion des privatisations, l'organisation de la solidarité et de l'aide sociales créent des processus de dépendance mutuelle entre dirigeants et dirigés. La répression et le contrôle policier apparaissent alors moins centraux que les arrangements, les accommodements, les petites ruses calculées, les compromissions au jour le jour, les instrumentalisations réciproques garantissant la légitimation quotidienne du régime. Bien au-delà du seul cas tunisien, cet essai dérangeant fait comprendre comment se perpétuent les régimes autoritaires. Il permet aussi d'éclairer les mécanismes de domination à l'œuvre dans les États que l'on considère comme démocratiques.
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