Résumé :
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L'islam, religion théocratique : c'est là, en deux mots, la perception commune d'une religion qui ne concéderait nulle indépendance au politique. Nostalgie du califat, inaptitude intrinsèque à la " laïcité ", réactions à la colonisation sont les facteurs invoqués pour expliquer que les sociétés musulmanes seraient vouées à l'instabilité politique ou au joug religieux. Or il existe bel et bien un héritage du politique en islam, qui ne doit rien à la théologie, dédaigné par les historiens, méprisé des islamistes, ignoré des tenants de l'occidentalisation à outrance. Enoncée par les arts de gouverner, présente dans les contes ou les chroniques, cette sagesse s'exprime sous forme de sentences, de métaphores et de récits à portée universelle. Elle affirme que tous les souverains, musulmans ou non, forment une communauté de pairs - un " divan des rois ". Elle met l'accent sur la justice et l'équité nécessaires au bon gouvernement, selon le principe que " la royauté survit à l'incroyance mais pas à l'injustice ". Elle est au fondement d'une conception autonome du politique dans l'islam, que Jocelyne Dakhlia s'attache plus particulièrement à décrire dans le cadre du Maghreb, conservée dans la mémoire nord-africaine jusqu'au début du XXe siècle avant d'être brutalement oubliée. Il faut s'interroger sur les raisons de ce refoulement et découvrir cet héritage pour mieux percer à jour les simplifications grossières abusivement colportées d'un côté comme de l'autre de la Méditerranée.
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