Résumé :
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En Egypte, comme dans l'ensemble du monde musulman sunnite, l'émergence d'un islamisme militant depuis les années 1970 a occulté la présence des lettrés religieux, les oulémas ou docteurs de la loi islamique. Formés à l'université d'Al Azhar, institution religieuse, vieille de plus de mille ans, les oulémas ont longtemps incarné la soumission au pouvoir politique, à partir notamment de l'époque nassérienne qui les fonctionnarise et leur impose l'enseignement des matières "modernes" . Or, dès la fin des années 1960, les oulémas cherchent à se partager avec les islamistes les parts de marché de la contestation politique à fondement religieux. Dans les champs de la prédication, de la censure et de l'éducation, comme du droit, ils participent activement à ce qu'ils définissent eux-mêmes comme une réislamisation volontaire de la société égyptienne. La description de ce groupe innovateur - qui retrace les carrières politiques et religieuses d'oulémas officiels et périphériques - remet en question l'opposition couramment dessinée, pour l'ensemble du monde arabe et musulman, entre militants islamistes et lettrés traditionnels. Elle montre l'émergence d'un nouveau type de lettrés, que l'on retrouve, sous des formes diversifiées, du Maroc à l'Indonésie, et permet ainsi de redéfinir de matière novatrice l'interaction entre savoir, religion et pouvoir.
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